Après 7 ans de recherche et de collaboration avec l’Institut Mines-Télécom (IMT) Atlantique, la société Lumiplan a-t-elle réussi à mettre au point un modèle révolutionnaire pour accompagner les réseaux de transport public dans leur transition énergétique ? Mobility-Cités a enquêté.
Les trajets quotidiens représentent 98% des déplacements des Français, mais seulement 60% des distances qu’ils parcourent en une année. La mobilité locale, qui s’effectue principalement en voiture (65%) et assez peu en transport en commun (8%), est responsable de 14% des émissions nationales de gaz à effet de serre* (*source : The Shift Project, le plan de transformation de l’économie française). Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : les transports en commun sont l’une des clés pour réussir la transition énergétique en diminuant l’usage de la voiture pour les déplacements courts. Pour réussir ce report modal ambitieux et modifier le comportement quotidien de nos concitoyens, les transports en commun se doivent d’être attractifs. Mais qu’est-ce que cela signifie pour un réseau de transport public ? Et comment mesurer son niveau d’attractivité ?
Prendre la mesure de l’attractivité d’un réseau de transport en commun
La société Lumiplan et l’IMT Atlantique ont développé un modèle qui permet d’évaluer l’attractivité d’un réseau de transport en commun. Les mesures portent sur deux critères : la couverture des besoins de déplacement des habitants et la qualité de service. Aucun des deux critères ne peut à lui seul être suffisant pour transformer un automobiliste en adepte des transports publics. En effet, comment un réseau pourrait-il être attractif en ne desservant pas les destinations souhaitées par les habitants, quand bien même sa qualité de service serait parfaite ? A l’inverse, un réseau qui proposerait de les desservir, mais au prix de nombreuses correspondances, ne serait pas non plus attractif. C’est bien la combinaison des deux critères, couverture des besoins de déplacement des habitants et qualité de service, qui est à évaluer.
Dans le modèle développé par Lumiplan et l’IMT Atlantique, la qualité de service est analysée sous trois aspects : les temps de déplacement, la quantité de correspondances et les taux d’occupation. Selon Jean-Marie Frèche, directeur de l’innovation de Lumiplan, l’attractivité des réseaux de transport en commun est à appréhender par rapport à la voiture, et notamment l’autosolisme. Les temps de déplacement prennent en compte la fréquence, les horaires, la ponctualité, autant d’indicateurs que les voyageurs ressentent.
Dépenser moins et faire mieux, la surprenante équation du modèle mis au point par Lumiplan et l’IMT Atlantique
Au cours de leurs sept années de recherche et de collaboration, la société Lumiplan et l’IMT Atlantique ont développé leur modèle dans le but d’optimiser d’un point de vue financier l’exploitation d’un réseau de transport en commun. Ce modèle breveté semble vertueux puisqu’il permet d’augmenter la qualité de service tout en diminuant les coûts et les émissions de gaz à effet de serre.
Expérimenté sur un réseau de 100 bus, le modèle a démontré son efficacité en réalisant une économie de 3,5 millions d’euros par an, à qualité de service similaire, et une diminution annuelle des émissions de CO2 équivalente à 2 000 allers-retours Paris New York en avion !
Cette double économie (en euros et en CO2) est un levier important pour agir sur la transition énergétique. Les millions économisés chaque année peuvent être investis pour augmenter la qualité de service et donc, l’attractivité du réseau. Qui a son tour favorisera l’usage des transports en commun.
La boucle (vertueuse) est bouclée.
3 questions à Jean-Marie Frèche, directeur de l’innovation de Lumiplan
Comment fonctionne votre modèle d’optimisation de l’exploitation des réseaux de transport ? A qui est-il destiné ?
C’est un modèle adaptable à tout type de réseau et qui est modulable en fonction des domaines d’intervention pour lesquels l’exploitant et l’AOM sont prêts à agir. Nous pouvons paramétrer le modèle pour jouer par exemple uniquement sur les horaires et les fréquences. Nous pouvons pousser les curseurs et intégrer dans le modèle les tracés des lignes pour modifier la topologie mais sans toucher à l’infrastructure. Cela permet de mettre en place les axes d’optimisation que le modèle aura construits sans engager de dépenses (hormis le changement des fiches horaires des arrêts) tout en assurant la faisabilité de la nouvelle topologie proposée. Le modèle peut aller jusqu’à la création de nouvelles topologies associées à de nouvelles infrastructures. C’est un modèle qui se paramètre à la carte.
Dans 100% des cas de figure, le modèle permet de réduire les kilomètres parcourus, la quantité d’émission de CO2 émis par voyageur et les coûts d’exploitation.
En mesurant l’attractivité et en réalisant des économies qui peuvent financer la qualité de service, le modèle est vertueux et efficace.
Sur quel réseau avez-vous testé votre modèle ?
Je ne peux pas vous nommer le réseau pour des raisons de confidentialité, mais je peux vous le décrire. Il s’agit d’un réseau urbain et interurbain français constitué d’une flotte de 100 véhicules et opérant sur 250 kilomètres de lignes. Il s’agit donc d’un vrai réseau, mature dans son organisation et son exploitation. C’est ce qui rend notre modèle valable et déclinable.
Quels sont les résultats obtenus ?
Les premiers résultats obtenus démontrent une réduction des coûts d’exploitation de 15%. Sur les charges d’exploitation de 25 millions d’euros, ce sont 3,5 millions d’euros d’économies par an. C’est colossal !
Les 15% se retrouvent également dans la diminution des émissions de GES, soit 2 000 tonnes de CO2 évitées par an. C’est très important en termes d’impact environnemental.
SOURCE : Transport & Transition Energétique. #7. Juillet 2022